15 janvier 2005
Élections polynésiennes du 13 février 2005 : C'est vrai ce mensonge?
Dans son traité sur lart du mensonge en politique, lécrivain satirique irlandais Jonathan Swift - celui-là même qui a écrit Les Voyages de Gulliver observait que « le moyen le plus efficace pour combattre et détruire un mensonge est de lui opposer un autre mensonge
le mensonge politique [étant] lart de convaincre le peuple, lart de lui faire accroire des faussetés salutaires et cela pour quelque bonne fin ». Voilà une considération que noseront pas démentir la plupart des hommes politiques à moins de nous faire un vilain mensonge de plus. Au mieux, ils nen diront rien. Voyons plutôt en quoi cette observation concerne Gaston Flosse.
Pour Gaston Flosse, la « bonne fin » consiste à « Éviter ce scénario catastrophe » que proposerait Oscar Temaru darriver « à lindépendance de fait, avant même toute consultation électorale. » Cest en tout cas ce quil a déclaré à Pirae dans son discours aux congrès de son parti le 5 janvier dernier. Nul ne peut nier quOscar Temaru rêve de faire de la Polynésie un État indépendant. Mais il n'y a aucune preuve à l'appui de laffirmation de Flosse selon laquelle cet État verrait le jour sans consultation préalable des populations des cinq archipels et quil serait une calamité pour ces dernières.
Mais est-ce vraiment important que cette affirmation soit strictement exacte ou pas ? Nous savons à partir de l'expérience du passé quOscar Temaru est prêt à demander lindépendance et à recourir à lintervention de lONU si l'occasion s'en présente. Les raisons de dénigrer les indépendantistes ne sont-elles pas dépassées par la réalité ? En fin de compte, est-ce une question de mensonge, et notamment de mensonge politique? Non, mais cest le meilleur que le Tahoeraa huiraatira ait à proposer, car pour le reste cest dune médiocrité à couper le souffle.
Depuis le coup de force du 22 octobre 2004, le seul moyen politique que Gaston Flosse a trouvé pour convaincre les électeurs de se rallier à sa cause a été dune part daccuser lopposition des mêmes maux dont elle lui faisait grief : dictature, incompétence, mensonge, haine,
Dautre part, de reprendre tout bonnement les propositions faites par le gouvernement Temaru en faveur du changement à son propre compte : concertation, baisse des taxes, redistribution des terres domaniales, augmentation du Smig,,
Si la méthode est simpliste et on ne peu plus démagogique, elle traduit surtout le vide théorique de la pensée orange.
Gaston Flosse et son parti sont à bout de souffle, à court didées et leur pensée nest pas plus épaisse que celle dun enfant de trois ans. Cest lune des conséquences de tous les mensonges passés. La concentration des pouvoirs au profit de la caste flossienne, fut-elle issue du peuple, a conduit à la corruption et à limpossibilité de toute pensée contradictoire au sein même de son parti. Plutôt que de tirer les leçons de léchec pitoyable et criminel du capitalisme flossien et du colonialisme chiraquien en Polynésie, Gaston Flosse et ses proches se sont transformés en démagogues extrémistes qui interdisent tout renouvellement de leur pensée politique. Par une sorte de régression, le Tahoeraaa huiraatira est retombé en enfance. Il est passé de lart du mensonge politique ou le « mentir-vrai », au mensonge ludique ou le « mentir-faux », un jeu dans lequel nos enfants sont passés maîtres et qui se résume à cette question : « Cest vrai ce mensonge? » Quelques exemples extraits du discours de Flosse au congrès de son parti pour illustrer cette forme de « faux mensonge » :
« Toute la campagne des indépendantistes va être basée sur un mensonge fondamental : le scrutin du 13 février ne porte pas sur lindépendance, mais sur le mode de gouvernance. » Cest vrai ce mensonge ? Pourquoi alors les quatres listes de « vrais » ou « faux » autonomistes ne se sont-elles pas fédérées à lUPLD puisquelles militent aussi en faveur dun mode de gouvernance ?
Disant devoir « démasquer le mensonge » que constitue pour lui lintention des indépendantistes de faire campagne en faveur dun autre mode de gouvernance que le sien, Gaston Flosse nhésite pas aussi à affirmer quavant le 23 mai « Notre société était un modèle de tolérance et de solidarité ». Cest vrai ce mensonge ? Quand la-t-elle démontré ? Avant larrivée des premiers Européens ? Depuis larrivée du CEP ? Depuis son départ ? Durant les vingt années de pouvoir flossiste ? Pourquoi y a-t-il tant de familles polynésiennes dans la détresse et dans le besoin ?
Autre mensonge pour conquérir lélectorat : « Nicole Bouteau et Philip Schylle ne sont pas autonomistes, ils sont résolument indépendantistes. ». Cest vrai ce mensonge ? Là tout le monde rigole. Flosse est aussi gonflé que Bush quand il dit quil a envahi lIrak parce que Sadam Hussein planquait des armes de destruction massive. Il ny a pas plus de conviction indépendantiste chez les chefs de files de lAlliance pour la démocratie nouvelle que de bombes chimiques en Irak. Flosse le sait autant que chaque polynésien : le Tavini huiraatira se désole de navoir pas rallié tous les autonomistes de lex-majorité plurielle à ses thèses.
À trop tirer sur la corde du mensonge, on finit par casser celle de la confiance. Et la confiance est aussi indispensable à un enfant quà un homme politique. Une fois perdue, elle est difficile à reconstruire. Flosse s'est trop souvent écrié « faites-moi confiance ». Même si tous ses mensonges ne sont pas prouvés, le doute sest installé et la confiance a disparue. Il en est si conscient quil na cessé de dire que la partie qui se jouera le 13 février prochain « sera difficile ». Là on le croit, ce nest pas un mensonge